/ Le bruit et la justice

Le bruit et la justice

Quelques aspects juridiques

1 - Article R. 1336-5 du code de la santé publique.

« Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée ou sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal sous sa responsabilité. »

Points à souligner : Pour qu’une nuisance sonore soit avérée et par conséquent punissable, la présence d’un seul de ces trois critères (durée ou répétition ou intensité) est suffisante, à condition qu’il soit prouvé de façon irréfutable (cf. ci-dessous le paragraphe « IMPORTANT»). Le texte de loi ne limitant l’interdiction à aucun créneau horaire, il est donc faux de croire que l’on est autorisé à faire du bruit de 8 h à 22 heures ou à faire une fête deux fois par an… La reconnaissance du préjudice ne s’apprécie pas au nombre de victimes d’un bruit particulier. Il suffit qu’une seule personne soit gênée pour que la nuisance, une fois démontrée, puisse être sanctionnée. Art. R. 1337-7 du Code de la santé publique: « Est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe le fait d’être à l’origine d’un bruit particulier, autre que ceux relevant de l'article R. 1337-6, de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme dans les conditions prévues à l’article R.1336-5 ». Art. R. 1337-8 et R. 1337-9 du Code de la santé publique: « Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles R. 1337-6 et R. 1337-7 encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit. Le fait de faciliter sciemment, par aide ou assistance, la préparation ou la consommation des contraventions prévues aux articles R. 1337-6 et R. 1336-7, est puni des mêmes peines. » Art. R. 623-2 du Code pénal : « Les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d’autrui sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de 3ème classe » (est considéré comme tapage nocturne tout bruit intervenant entre 22h et 7h le lendemain). Art. R. 222-16 du Code pénal : Les appels téléphoniques malveillants réitérés, les envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques ou les agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d'autrui, sont punis d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». (Il concerne plus particulièrement les agressions sonores ; exemple les propriétaires de chiens qui ne prennent aucune mesure contre les aboiements réitérés de leurs chiens à chaque fois qu’un piéton passe).

2 - Décret n°2012-343 du 9 mars 2012 Afin de sanctionner plus efficacement les auteurs de nuisances sonores illicites et réduire les incivilités, tant en ville qu'à la campagne, ce décret fait entrer dans le dispositif de l'amende forfaitaire - régi par l'article R48-1 du Code de procédure pénale- la sanction des infractions en matière de bruit. Ce dispositif permet au contrevenant d'éviter des poursuites devant la juridiction de proximité en s'acquittant, dans les 45 jours de la constatation des faits, de l'amende forfaire ou, à défaut de paiement dans ce délai, d'une amende forfaitaire majorée. Amende forfaitaire minorée (paiement dans les trois jours) : 45 euros. Amende forfaitaire (paiement dans les 30 jours) : 68 euros. Amende forfaitaire majorée (non payée dans les 30 jours) : 180 euros. En cas de refus de payer, l’auteur des bruits pourra être traduit devant le tribunal compétent et se voir infliger une amende de 450 euros.

3 - Décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998 relatif aux établissements recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée. Il précise les normes à respecter par ce type d’établissement (discothèques, salles des fêtes, salles polyvalentes municipales, bars, restaurants…) en matière d’isolation acoustique et au plan administratif (études d’impact, permis d’exploitation…).

A ces lois de base s’ajoutent les Arrêtés préfectoraux et Municipaux qui reprennent les textes de loi et entrant dans les détails pratiques. Par exemple, dans les Bouches-du-Rhône, l’arrêté préfectoral stipule :

  • Article 2 : Afin de protéger la santé et la tranquillité publiques, tout bruit gênant causé sans nécessité ou dû à un défaut de précaution est interdit de jour comme de nuit.
  • Article 7 : concernant les activités non professionnelles. Tous travaux effectués par des particuliers à l’aide d’outils ou d’appareils susceptibles de causer une gêne pour le voisinage en raison de leur intensité sonore, des vibrations transmises ou de leur caractère répétitif, en quelque endroit que ce soit, à l’intérieur des locaux ou en plein air, sur la voie publique ou dans les propriétés privées, ne peuvent être effectués que de : 8h à 12h et de 14h à 20 h du lundi au samedi inclus 10h à 12h les dimanches et jours fériés.

 

NB : Ces arrêtés peuvent être plus restrictifs que la loi elle-même mais en aucun cas plus permissifs.

En ce qui concerne la règle de l’antériorité :

  • Article L112-16 du Code de la construction et de l’habitation : « Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé, ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi, postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ». Il en résulte que l’exploitant ne peut se prévaloir de l’antériorité de son installation pour s’exonérer de sa responsabilité pour troubles de voisinage qu’à quatre conditions cumulatives : que ses activités soient agricoles, industrielles, artisanales ou commerciales que ses activités soient antérieures à l'installation des plaignants qu’il respecte les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur que ses activités se soient poursuivies dans les mêmes conditions. Concrètement, si l’exploitant a agrandi son exploitation ou étendu son champ d’activités après l’installation de son voisin auquel il fait subir des troubles, il ne peut plus se prévaloir de la règle de l’antériorité même s’il avait démarré son activité avant l’installation de son voisin dans les lieux.
  • La Cour de cassation a rappelé qu’une personne, qui s’installe dans une zone vouée à des activités industrielles ou artisanales, n’accepte pas pour autant le risque d’être troublée par une exploitation qui ne respecterait pas les dispositions réglementaires destinées à la protection contre les troubles de voisinage (Cass. 2ème civ., 8 juill. 1999). IMPORTANT ! Les victimes qui déposent plainte pour nuisances sonores doivent apporter la preuve de la réalité des faits et démontrer leur caractère anormal. (Cour de Cassation 2ème civile, 9 juillet 1997, M. Regnard, n° 96-10.109). Il appartient donc aux plaignants d’apporter la preuve que les nuisances subies dépassent les inconvénients dits « normaux » de voisinage. Les juges doivent apprécier à partir de quand le bruit devient « anormal ». Pour pouvoir condamner une personne sur le fondement de troubles de voisinage, les juges doivent préciser en quoi ces troubles excèdent les inconvénients normaux de voisinage. Exemple : Les bruits provoqués par les enfants jouant dans l’appartement du dessus étant instantanés, accidentels ou imprévus ne peuvent constituer un trouble anormal car ils correspondent aux nuisances inhérentes à la vie dans un immeuble (CA de Paris, 11 mai 94) ; de même, le bruit des enfants pendant les vacances : la preuve d’un trouble anormal n’était pas établie car les bruits étaient inhérents à la présence d’une famille ayant 3 enfants (CA d’Aix-en-Provence, 28 mars 95). Autre exemple : Les juges ont considéré à de nombreuses reprises que le fait de jouer d’un instrument de musique plusieurs heures par jour pouvait constituer un trouble « anormal » de voisinage (C.A. Versailles 16 mars 87 et C.A. de Paris 9 fév. 1984). Mais le fait de jouer du piano une heure par jour, même par un débutant, ne constitue pas un trouble anormal (CA de paris, 7 oct. 1999). Dès lors que les bruits ont une incidence sur le psychisme des victimes, ils pourront être sanctionnés même si les émergences sonores se révèlent insignifiantes (TGI de Nanterre, 24 novembre 1982).